Sous le bleu de Taher Jaoui

Lorsqu’un scientifique prend le pinceau, et que des symboles et des formules de mathématiques découlent de son art pour devenir des éléments magiques, des compositions fortes en couleurs et en émotions, on ne peut que déduire que l’informatique de gestion et le parcours d’ingénieur, sont également sources d’esthétique et de divagations fantastiques.

Taher Jaoui, diplômé de la Sorbonne à Paris, au parcours estudiantin purement scientifique, est un artiste autodidacte qui, à force d’écrire des formules pour résoudre ses problèmes de mathématiques, s’est trouvé en train de les dessiner pour mieux les voir, et les colorer pour les rendre moins fades.

Taher Jaoui, d’origine tunisienne, est installé à Madrid. Il se concentre sur la création d’œuvres captivantes et étrangement laborieuses, dans l’esprit de continuation du mouvement de l’abstraction expressionniste des années 50 et 60.

Il est également influencé par l’art primitif et africain, les graffitis, le “glitch art” qui rend esthétiques des erreurs numériques ou analogiques, donnant naissance ainsi à un résultat inattendu. Le mouvement avant-gardiste COBRA, ainsi que la philosophie des attitudes postguerre de l’expressionnisme abstrait en sont un exemple parfait.

En élaborant des variations à partir de formes simples et de motifs familiers, qui pourraient rappeler des crânes abstraits, et en passant par des sections que l’on griffonnerait sur un tableau avec des craies, la surface de la toile devient l’espace de travail de l’artiste.

À travers l’exercice de ses multiples expressions personnelles, ainsi que les différents médias utilisés, il élabore ses créations de manière intuitive et équilibrée. D’où la géométrie dans un espace créé au sens propre et figuré par ce peintre mathématicien.

Dans ses dernières œuvres, notamment celles présentées dans son exposition en solo à Mar Mikhaël, dans l’espace While We’re Young, en collaboration avec la LT Gallery, jusqu’au 6 octobre, l’artiste propose une série de toiles de tailles différentes et met en scène ses dernières créations en matière de sculpture.

L’artiste Franco-Tunisien s’ouvre à une nouvelle dimension, celle de la sculpture, en réalisant des figures de robots aux couleurs vives. Il s’agit de son inspiration personnelle à partir de laquelle il transforme en troisième dimension les éléments de ses peintures.

Cette mutation, qui va de la deuxième à la troisième dimension, avec des matériaux tels que le bronze et la résine, valorise la touche moderne de l’artiste.

Beneath The Blue (sous le bleu) est la première exposition en solo de Taher Jaoui au Liban et au Moyen-Orient. C’est une évolution naturelle de ses liens avec les collectionneurs locaux. C’est aussi une manière de soutenir le symbolisme de Renaissance qui caractérise le Liban.

Taher Jaoui dessine des lignes et des cercles de manière intuitive et dynamique. Il crée des œuvres vibrantes qui s’enracinent dans l’expressionnisme abstrait. Il a su également, à travers son labeur et son parcours éclectique, faire fusionner harmonieusement l’art figuratif à l’expressionnisme abstrait.

Ses compositions chaotiques, qui seraient arbitraires à première vue, sont en fait des croquis bien répétés et animés par ses émotions et son intuition. On découvre tout cela, et bien plus, en admirant cette exposition haute en couleurs et en sentiments.

Quant au bleu, comme couleur dominante dans la palette de cette série dédiée à la solo, c’est un clin d’œil au Lactarius Indigo qui est un type de champignon qui complète un cycle de mort et de renaissance.

Ceci ne se lierait-il pas de façon inhérente aux thèmes de régénération et d’adaptabilité, incarnés à la fois par le parcours de l’artiste et surtout, par l’histoire de Beyrouth?

Original article at icibeyrouth.com

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