En 2013, après avoir exposé pendant plusieurs années un peu partout au Liban, j’ai entrepris ma grande aventure internationale. J’ai été d’abord invitée en Italie, d’où mon amour passionnel pour ce pays. Et j’ai ensuite exposé dans une superbe galerie à Chelsea, dans le fameux Art District de New York. Ceci a propulsé ma carrière d’un coup et on m’a ensuite sollicitée à maintes reprises.
J’ai pris mes toiles, tantôt roulées dans des tubes, tantôt enveloppées de plusieurs couches de papiers bulles et de cartons, à travers gares et aéroports, par climats glacials ou par chaleurs intenses. J’ai voyagé seule, avec comme uniques compagnons mes livres et mon courage. Je suis devenue non seulement peintre mais aussi menuisier (les pinces, les tournevis et les marteaux sont des outils que j’utilise avec autant de dextérité que les pinceaux et les spatules) et traductrice (je me fais un malin plaisir à être celle qui provoque les quiproquos linguistiques et artistiques). Mes toiles ont vu le froid nordique de Copenhague et la neige à Budapest, elles ont sillonné en train le vert de l’Italie et le blanc de la Suisse. Elles ont vu Londres sous la brume, Prague au soleil, Bruges et son ciel flamand, Vienne et son Baiser. Elles ont fait les grandes foires de Rome et les petites galeries de Florence, elles ont visité un ancien musée à Salerno et elles ont été peintes, pieds nus sur de belles plages dans les Pouilles. Elles ont découvert le Vieux Port de Montréal et s’y sont faites appréciées. Elles ont aussi été admirées dans le fameux forum Grimaldi à Monaco et elles ont visité Venise, Vérone, Naples et toute la côte Amalfitaine. Mes toiles m’ont donné des prix à Bologne, à Milan, à Fabriano et ailleurs en Italie. L’Italie m’a surtout offert sa sympathie et j’ai appris sa langue (et ses gros mots dans leurs différents dialectes). Je suis devenue italienne dans l’âme et par l’art. Mes peintures sont aussi allées en Espagne, elles ont été exposées dans le prestigieux Ateneo de Madrid et à Ibiza et Gandía. Elles ont été critiquées ou applaudies. Elles ont été achetées ou rejetées. Elles m’ont donné du succès et parfois des déceptions. Elles m’ont certes, toujours incitée à continuer à peindre. Elles iront bientôt à Milan, à Aix-en-Provence, à Madrid encore.
Toutes les couleurs qui s’accumulent dans mon cerveau enchanté par tant d’art, ne cessent de me divulguer encore cette folle énergie et cette envie, parfois si addictive, de peindre.
J’ai déjà fait plus de 100 expositions et salons. J’ai peint plus de 900 toiles. Je ne suis bonne en chiffres que lorsqu’il s’agit de compter mes coups de pinceaux et leurs tonalités.
Et ce soir, je lève les yeux vers cette fabuleuse nef. Ce grandiose plafond, qui a couvert mes peintures à 4 reprises à Paris, me fait tourbillonner la tête. Et je repense à ma patrie. Je ne pense plus au Liban. Le Liban est dans mon cœur. Mon pays ne m’a pas donné ce que le monde m’a offert. Il n’a pas pu… mais moi je peux. Moi je peux faire de l’art, c’est ça ma politique. Et aujourd’hui aussi c’est pour mon pays que j’expose au Grand Palais. Je fais ma révolution en portant haut les couleurs de mon drapeau car à côté de mon nom, on voit le Cèdre. Et c’est pour ce cèdre qui a si mal à ses racines que je continuerai à faire gicler mon art, où que je sois. Z